Neuf hommes étaient présentés lundi en comparution immédiate à Limoges. De six mois à six ans de prison ont été requis contre un groupe d'Antillais soupçonnés d'alimenter un trafic de stupéfiants place Jourdan à Limoges.
Jeunes désoeuvrés ou délinquants patentés ? Simples consommateurs de stupéfiants s'adonnant occasionnellement à la vente de produits ou trafiquants organisés? C'était tout l'enjeu de la présentation en comparution immédiate de neuf personnes interpellées lors d'une vaste opération menée le 21 novembre dernier par le SRPJ de Limoges.
Un mois de vidéosurveillance
Dans son collimateur: la place Jourdan de Limoges devenue lieu de retrouvailles d'un groupe d'amis plus ou moins proches, tous originaires des Antilles. Pour y passer le temps laissé libre par le chômage, les missions d'intérim éparses. Y fumer, y boire, y rigoler, rien de plus selon les neuf prévenus, âgés de 20 à 34 ans.
Pendant un mois, les caméras de vidéosurveillance de la ville vont enregistrer leurs allées et venues. Leurs lignes téléphoniques vont être étudiées, tout comme les mouvements sur leurs comptes bancaires.
Pour les enquêteurs et le ministère public, les conclusions sont suffisamment éloquentes. «Cette place est devenue un cancer pour le quartier, pour la ville. C'est devenu un marché à ciel ouvert de tout ce qui est stupéfiant», martèle Xavier Pasturel, le procureur de la République.
« Ce sont tous des cas sociaux, rien de plus.»
Me Julia Benaim (Avocate de la défense)
La place Jourdan, «elle est publique, j'y promène mon chien et je retrouve les copains, c'est tout», élude Jason Guds, originaire du Suriname et dont les déplacements fréquents aux Pays-Bas laissent à penser au ministère public qu'il pourrait bien être le fournisseur.
«C'était pour refaire ma carte d'identité», rectifie le jeune homme. «Ils fument au vu et au su de tous, ils sont assommés par le rhum et ce sont ces gens-là qui auraient organisé un trafic de grande ampleur? Ils me pardonneront l'expression, mais ce sont tous des cas sociaux, rien de plus», s'emporte Me Julia Benaim, l'un des neufs avocats de la défense.
Consommateurs, oui, mais tous réfutent les accusations de trafic
Les joints, plus ou moins nombreux selon le moral, la cocaïne pour certains, le crack pour l'un d'entre eux, les neuf prévenus ne les nient d'ailleurs absolument pas.
«Je reconnais être un gros consommateur, et impulsif. J'ai besoin de cannabis et de cocaïne pour me calmer, voilà. J'ai grandi dans un milieu hostile où la violence et la drogue font partie de la vie», balaieYouri Austerd'un revers de la main.
L'argent pour s'approvisionner, il vient la plupart du temps du RSA. De quelques économies, ou d'un héritage paternel. De coups de main de la famille ou des amis. «D'un peu de, comment, de... débrouillardise», hasarde Willem Dintimille.
Mais tous réfutent les accusations de trafic. Partager ses doses avec ses proches, oui. Dépanner un acheteur en manque, parfois. Participer à un réseau organisé, certainement pas.
«Moi, je ne vends pas, je l'ai déjà fait et je l'ai payé cher. Quand on a été en prison, on n'a pas envie d'y retourner. Je me trouvais au mauvais moment au mauvais endroit», répond, véhément, Johnny Cebarec en pliant littéralement sa longue carcasse pour s'exprimer dans le micro.
Une peine « exemplaire »
À sa droite, son grand frère Brice, stature imposante et visage expressif, acquiesce de la tête. Celui qui est présenté comme la «clé de voûte» du trafic a choisi de se murer dans le silence.
Une attitude et un casier judiciaire (quatorze mentions, dont neuf liées aux stupéfiants) qui ont conduit le ministère public à requérir six ans d'emprisonnement dont la révocation total de son sursis et mise à l'épreuve. Une peine «exemplaire», comme celles demandées pour les huit autres prévenus: de six mois à cinq ans de prison.
Le tribunal présidé par Nathalie Soumy a finalement condamné Brice Cebarec à cinq ans, auxquels s'ajoutent quatre mois d'un précédent sursis révoqué. Il a été maintenu en détention, tout comme son frère Johnny, condamné à deux ans et six mois de sursis totalement et partiellement révoqués.
Youri Auster a écopé de dix-huit mois, plus dix-huit mois pour la révocation totale du reliquat d'une peine en date du 8 février 2013. Jason Guds a été condamné à trois ans, Willem Dintimille et David Negrobar à dix-huit mois, Ludovic Borne et Philippe Aristee à un an, enfin Diodane Fontilus à dix mois.
Diodane Fontilus et Jason Guds étaient par ailleurs poursuivis pour avoir poursuivi le trafic après leur mise en examen, le second étant accusé de donner des instructions au premier, avec le concours d'une jeune femme.
Pour cette affaire dans l'affaire, ils ont écopé respectivement de un an et trois mois de prison. La jeune femme a, elle, été relaxée.
Marjorie Queuille
